Industrie

L’industrie tchèque, une exception en Europe ?

D’un point de vue économique, 2015 a été la meilleure année depuis plusieurs décennies.

L’Europe dans son ensemble est dans une bonne condition, un calme relatif règne et les entreprises réembauchent. La deuxième tendance néanmoins observée est la « désindustrialisation » ou la part décroissante de l’industrie dans le PIB. La République tchèque constitue une des rares exceptions à cette tendance, son industrie occupe même une place de plus en plus importante dans le PIB. Autant de données dont elle tire profit. La République tchèque figure en tête du classement des pays relatif à la croissance du PIB, elle offre une stabilité politique et financière et son attractivité économique attire de nombreux investisseurs. Quelles sont les raisons de la bonne santé de l’économique tchèque ? A quoi pouvons-nous nous attendre dans les années à venir ?

L’industrie et la consommation, moteurs de la croissance exceptionnelle tchèque

La réussite de l’économie tchèque a suscité l’intérêt à la fois des investisseurs étrangers et des médias, mais aussi celui des Tchèques qui ont desserré les cordons de leurs bourses et dépensent de nouveau. Les taux d’intérêt restent au plus bas, l’industrie et le commerce annoncent de bons résultats.

Selon Eurostat, avec un taux de 3,9 %, la République tchèque (RT) affichait la troisième croissance économique la plus forte de l’Union européenne au troisième trimestre 2015. Elle n’a été devancée que par Malte (+5,4 %) et l’Irlande (+7 %). Le résultat tchèque est bien supérieur à la moyenne des Vingt-huit (+1,9 %) ainsi qu’à celle de la zone euro (+1,8 %). La Commission européenne prévoit une croissance de l’économie tchèque de l’ordre de 2,3 % en 2016 et de 2,7 % en 2017, soit une dynamique plus positive que celle de l’ensemble de l’UE comme de la zone euro.

« L’année écoulée a sans doute été une des plus réussies. L’économie a progressé à un rythme qui n’avait plus été observé depuis 2007. Nous avons retrouvé le niveau économique qui était celui d’avant la crise. De surcroît, cette croissance est saine, elle repose pratiquement sur tous les secteurs de l’économie. Elle est durable car elle s’appuie sur la demande intérieure – des investissements intérieurs et la consommation des foyers. La croissance est si robuste qu’elle contribue à la création de nombreux emplois, les employeurs n’hésitent pas à augmenter les salaires et certaines entreprises sont mêmes confrontées à un déficit de main d’œuvre », analyse Jan Vejmělek, l’économiste en chef de Komerční banka, membre du groupe Société générale et de la CCFT.

La production industrielle tchèque a progressé de 4,4 % en l’espace d’un an, ses moteurs étant principalement l’industrie automobile, la plasturgie et la mécanique. Le nombre de nouvelles commandes a augmenté de 5,9 %, avec des croissances respectives de 8 et 2,1 % pour les commandes étrangères et intérieures. Les dépenses des Tchèques ont été un des facteurs de la bonne santé de l’économie. Le faible taux de chômage a entraîné une hausse des salaires, et les Tchèques continuent d’épargner tout en dépensant des sommes record. Les chiffres d’affaires des commerces de détail (sans compter les véhicules) ont progressé réellement de 5,9 %, tandis que les recettes réalisées ont, chaque mois de l’année, dépassé les résultats enregistrés l’année précédente. Les ventes via internet et ventes à distance présentent la plus forte progression (+19,7 %). Les vente de véhicules et des carburants constituent un chapitre à part avec des chiffres en hausse de l’ordre respectivement de 12,3 % et 8 %, dus en partie au faible coût du pétrole.

Néanmoins, pas même l’appétit des consommateurs n’a contribué à une relance tant désirée de l’inflation, qui continue à tourner autour de 0 %, soit une situation semblable à celle de la zone euro. Les prix des aliments et des boissons non alcoolisés diminuent légèrement, tandis que l’alcool et le tabac assurent une inflation partielle.

La stabilité monétaire et politique, garant de la confiance des investisseurs

Depuis l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne il y a 12 ans, le volume de l’économie tchèque a doublé. L’économie tchèque suscite la confiance des agences de notation ; tandis que son rating ne cesse de s’améliorer depuis 2007, celui de la plupart des pays de la région stagne ou régresse. Le rating stable est aussi à l’origine du prix des obligations émises par l’État. L’État tchèque peut emprunter de l’argent à un taux d’intérêt de 0,63 %, soit 0,22 % seulement de plus que pour l’Allemagne, alors que, inversement, les gouvernements polonais et hongrois sont contraints de rembourser à des taux de 3,13 % pour le premier et de 3,54 % pour le second. Grâce à la confiance des investisseurs, seuls quatre États disposent de meilleures conditions pour leurs emprunts – l’Allemagne, le Japon, la Suisse et les Pays-Bas.

Les mésententes personnelles des hommes politiques tchèques n’ont qu’une influence mineure sur la vie des entrepreneurs locaux ; le milieu des affaires reste attractif pour les investisseurs étrangers. Le fait de ne pas posséder de frontière extérieure de l’espace Schengen, de même que l’éloignement des principales voies de transit empruntées par les migrants, concourent également à la stabilité tchèque.

La stabilité financière est, elle, assurée depuis novembre 2013 par la politique interventionniste de la Banque nationale tchèque (ČNB) pour affaiblir le cours de la couronne. En janvier 2016, la direction de la ČNB a confirmé son intention de poursuivre dans ce sens au moins jusqu’au premier semestre 2017. Les entreprises peuvent compter sur un taux de change stable autour de 27 CZK/EUR.

« Le taux de change est un instrument de qualité pour entretenir la stabilité. Les interventions de l’automne 2015 ont déjà été automatiques, le conseil de la ČNB ne les approuve pas séparément, le procès s’est automatisé », a expliqué le gouverneur de la ČNB Miroslav Singer lors de l’événement de la Chambre de commerce franco-tchèque sur l’économie Quo vadis.

La couronne tchèque est la « star régionale » des statistiques menées par l’agence Bloomberg. Alors que le forint hongrois a perdu 20 % de sa valeur par rapport à l’euro en l’espace de dix ans et que le zloty polonais stagne, la couronne tchèque, elle, a gagné 20 %.

L’industrie automobile roule, l’aéronautique décolle

L’industrie, et plus particulièrement l’industrie automobile, demeure le principal facteur de la stabilité et du développement économique. La production industrielle tchèque a augmenté de 4,4 % en l’espace d’un an, la production automobile de 11,5 %. La République tchèque suit une voie inverse de celle d’une Europe qui se désindustrialise. L’industrie manufacturière représente 26,7 % du PIB tchèque, tandis que la moyenne de l’UE ne se situe qu’à 15,3 %. L’industrie française ne génère pas plus de 11,4 % du PIB du pays. Selon Eurostat, le taux d’emploi dans l’industrie française a chuté de 20 % depuis 2000, alors qu’il n’a pratiquement pas changé en République tchèque. La part de l’industrie dans le PIB n’augmente que dans trois pays européens, avec 11 % de croissance depuis 2000. La RT se range parmi eux.

Toujours selon Eurostat, la production des secteurs ayant recours aux technologies de pointe connaît un essor à travers toute l’UE. Les leaders en termes de volume de production dans les technologies de pointe sont la République tchèque et la France (+200 %), la RT figurant en bonne position dans le secteur du medium hightech (+150 %).

« La production industrielle est le moteur de la croissance et de l’emploi en République tchèque. Les statistiques confirment qu’investir dans l’industrie manufacturière est rentable. Les entreprises tchèques aussi bien que les investisseurs étrangers profitent de la croissance de 4 % ; le potentiel est loin d’être épuisé », considère Michal Macko, responsable commercial de la Chambre de commerce franco-tchèque.

Les secteurs économiquement rentables sont identiques à ceux qui sont soutenus par l’agence tchèque d’investissement CzechInvest : industrie automobile, aéronautique et aérospatiale, mécanique, life science, TIC et nanotechnologies. En l’espace de quelques mois, plusieurs investissements conséquents ont été annoncés : GE Aviation va construire un centre de conception et de production de turbomoteurs, Hyundai Mobis va agrandir sa zone industrielle de Mošnov ; les fabricants des voitures basés dans le pays annoncent une année record, la production d’autobus a augmenté de 50 % en l’espace d’un an. Selon les analystes de Komerční banka, la production industrielle tchèque devrait encore s’accélérer en 2016 et les exportateurs vont continuer à bénéficier du faible taux de change de la couronne. Le seul facteur qui pourrait ralentir la croissance tchèque est le manque de main-d’œuvre qualifiée dû à un chômage quasi inexistant.